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Publié : 28 février 2014

Article proposé par Adrien Roux : L’anglais, arme du système

Lors de notre réunion de lancement du comité directeur du samedi 25 janvier, au BIS REPETITA à Paris, nous avons eu le plaisir d’échanger avec un jeune homme au caractère bien trempé, à qui nous avons demandé de reformuler par écrit les points qu’il juge important à propos du globish et qui n’exclut pas une certaine radicalité qu’il pense seul être capable de toucher les jeunes :

L’anglais, arme du système

Vous êtes joueur ? Ce qui va suivre devrait vous plaire. Munissez-vous d’un bloc-notes et notez toutes les expressions, mots, publicités, enseignes en anglais, vus et entendus. Il est même possible d’ajouter tous les drapeaux du Royaume-Uni et des États-Unis imprimés sur les sacs et les vêtements et portés comme une simple marque. Ces résultats varieront selon votre lieu d’habitation mais devraient être conséquents en comparaison de ceux obtenus avec une autre langue étrangère : russe, italien, allemand... Jusqu’à présent, il semble que cette surenchère linguistique n’ait pas choqué grand monde, mieux celle-ci serait parfaitement normale. Si dans une conversation vous proclamiez que vous n’aimez pas la langue japonaise ou allemande, vous aurez dans le pire des cas, droit à quelques interrogations purement formelles sur la raison de ce désamour. Mais, tentez d’émettre des doutes quant à la beauté et la facilité de la langue anglaise, les réactions seront déjà plus brutales. Aussi intense que si vous attaquiez la langue maternelle de vos interlocuteurs (il est rare d’aimer entendre déprécier sa propre langue). Des sourires amusés et des regards condescendants accompagneront votre intervention, assurément vous êtes un « ringard », un « boloss », un « passéiste, » un « nationaliste » qui n’a rien compris, l’utilisation de l’anglais est un fait et c’est comme ça.

Avec un peu de chance un de vos interlocuteurs se fera une joie de vous remettre à votre place, avec quelques arguments stéréotypés et réconfortants dans la croyance en une mondialisation heureuse. Ces arguments pour la plupart résignés sont grosso modo les suivants : – « Oui, c’est comme ça, les américains ont gagné la guerre », ou bien « Il ne fallait pas perdre la guerre ». – « L’anglais c’est l’ouverture au monde, et maintenant il faut s’ouvrir à l’autre on ne peut plus rester enfermé dans ses frontières... » – « Mais c’est pratique, on peut aller partout et se faire comprendre ». – « Tout le monde fait comme ça » – « C’est tellement facile à apprendre, et il faut bien une langue pour se comprendre » – « On n’a pas le choix, tout se fait en anglais ».

Surtout, que ce que les gens et les médias entendent par communiquer se résume à exprimer des phrases toutes faites. En effet, les communications touristiques en anglais ont fréquemment pour objet de demander la direction des toilettes ou d’acheter un sandwich. L’idée d’une grande entente mondiale à travers une langue unique n’est qu’une doctrine dominante.

Maintenant, à l’heure où tout le monde parle de liberté, affirme son indépendance, rejette les carcans... Quelle originalité voyez-vous dans ces réponses recrachées dans 95% des cas ? Il semble que face à l’anglais-américain (dans sa version appauvrie) même les esprits les plus fins s’aveuglent. Pire encore, voir des peuples brandir des pancartes proclamant « freedom » est contradictoire. L’anglais est la langue du système économique. Réclamer la liberté au moyen de ce formidable outil d’homogénéisation des cultures, prouve que contrairement à d’autres travers du système qui sont critiqués et abondamment commentés, celui de la langue, qui est pourtant une de ses armes les plus puissantes, reste méconnu. Les élites parlent anglais, les marchés financiers parlent anglais, le libéralisme se pense en anglais. Ceux qui en doutent n’ont qu’à comptabiliser le nombre d’anglicismes dans les professions à la mode comme la communication, le commerce , le marketing et le management...

Comment se fait-il que tout le monde semble s’en accommoder ? Peut-être, l’inconsistance grandissante de notre société de l’information et la perte des repères traditionnels, poussent à employer des termes dont le concept n’est pas bien compris. Ou encore, la puissance de diffusion des biens « culturels » venant des pays anglo-saxons, est sans commune mesure dans le monde. Passer son temps devant des séries américaines ne peut être sans conséquence sur le long terme.

Mais à mon avis, c’est par la puissance du consensus que cette accommodation se maintient. Il est de bon ton de s’afficher comme « cool » en imitant les modèles qu’on présente comme tel, cette force de l’imitation ainsi que la volonté de s’intégrer dans la société conduisent à ne pas vouloir passer pour « ringard » et de ce fait être mis au ban du groupe. Rien n’est plus grégaire que de répéter les mêmes phrases entendues partout. En parlant anglais vous n’êtes pas un rebelle bien au contraire. Il devient même subversif de prôner la défense de sa langue maternelle et le plurilinguisme comme outil de lutte contre le système. Cela fait plus de quarante ans que l’anglais s’impose, je trouve très réactionnaire de continuer de s’accrocher à cette conception vieillotte d’une langue unique de communication. Un peu de modernité, place à d’autres langues ! L’anglais c’est le système. Pour le combattre, c’est nos langues qu’ils faut utiliser pas la sienne !

Adrien Roux

roux.adrien75@gmail.com

N.D.A. : J’emploie aussi beaucoup le mot "Système", je trouve que ce mot est un peu fourre-tout, mais je préfère ne pas lui apporter de précision afin qu’il touche le plus de monde possible (vu la quantité de personne clamant leur pensée "anti-système"). N’hésitez pas à me dire, ce que vous en pensez.

Le globish (mot-valise combinant global et English) est une version simplifiée de l’anglais n’utilisant que les mots et les expressions les plus communs de cette langue. C’est le jargon utilisé par des locuteurs de diverses autres langues quand ils veulent communiquer en anglais.